Tout avait pourtant bien commencé. Habituellement snobée par les aficionados, la venue des Aussies avait cette fois rempli jusqu’à l’overdose les travées gargantuesque du stade de France. Dans la foulée d’un grand chelem en février dernier, le public rêvait sans doute de voir ses protégés administrer la fessée à cette outrecuidante équipe du bout du monde mise à mal alors par ses voisins sud-africains et néo-zélandais. Las, entre-temps, les protégés de Robbie Deans s’ étaient refait une santé sous l’impulsion d’une ligne de ¾ pré-pubères à peine sortie des biberons de leurs centres de formation, et les Bleus étaient revenus plus bleus encore d’une pathétique tournée en Afrique du Sud et en Argentine. C’était en juin, et aveuglée par ses certitudes, la France pensait que l’été serait suffisant pour remettre de l’ordre dans la maison.

Grave erreur. Là où les autres, tous les autres, s’appuyaient déjà sur un groupe stabilisé depuis un moment, Marc Lièvremont continuait lui à tâtonner tout en offrant le bâton à ses détracteurs en proposant un jeu d’une autre époque alors que les nations du sud, elles, offrent un spectacle d’une autre dimension. Pire, même l’Angleterre, au plus mal ces derniers temps, semble dorénavant avoir une marge d’avance sur son voisin bien dépourvu à 10 mois de la coupe du monde.

Cette différence de niveau, elle est apparue criante après 4 minutes de jeu seulement et un essai de première main de la ligne australienne après une touche aux 40 mètres. Les centres français, Jauzion et Rougerie, au physique de déménageur, étaient mouchés proprement par la virevoltante ligne adverse. Et la troisième ligne courait déjà derrière des kangourous qu’elle ne rattraperait jamais. Le ton était donné, et même si la première mi-temps semblait équilibrée, les travées du Stade frissonnaient déjà, conscientes que l’essai de pénalité accordé aux leurs n’était même pas l’arbre qui masquait la forêt. Aussi surpuissant soit-il, le pack tricolore ne peut gagner un match sur les seules mêlées fermées. Pourtant réduite à 14, c’est bel et bien l’Australie qui menait la barque. D’un souffle certes, mais prémices de la tempête qui allait s’abattre sur la tête des coqs.

Le premier éclair est tombé à la 49ème. A ce moment, la France menait toujours 16-13. Une demi-heure après, les joueurs, ko debout, finissaient d’encaisser une 49-0 ! Robbie Deans venait de démontrer que le talent n’a pas d’âge, que sa génération de poupons perdra encore des matchs, mais en jouant rugby. Pareils à des surfeurs sur les vagues de leurs côtés fétiches, les Australiens ont fait mouche à chaque descente. 6 déferlantes infernales enfonçant un peu plus à chaque fois le Stade et ses travées médusées dans la détresse d’un soir d’automne glacial. Robinson, Genia, Mitchell par 3 fois, puis O’ Connor ridiculisaient une équipe en déroute, incapable pendant une demi-heure de masquer les lacunes que beaucoup subodoraient déjà depuis des mois. La victoire arrachée aux forceps une semaine plus tôt contre les Pumas argentins n’avaient convaincu que peu de monde. Les sceptiques avaient raison, le Xv de France n’apparaît plus que comme une bonne équipe, sans plus, tout juste capable d’ un exploit retentissant de temps à autre.

Le French Flair a depuis longtemps changé d’hémisphère. Là où Graham Henry ne dégomme Ma’a Nonu que pour le génialissime Sonny Bill Williams, Lièvremont tente d’installer un ailier de formation au centre. Là où chaque grosse équipe dispose d’une charnière indéboulonnable ou presque, le tacticien français multiplie les expériences. Là où une hiérarchie claire est établie sur 4 gros matchs en tournée, Traille est le seul bleu à avoir débuter les 3 rencontres de l’équipe de France, et en club, il joue à l’ouverture depuis…4 mois ! Trop d’écarts entre les nations du top et cette France à l’heure actuelle. La cohorte de ceux qui réclament la tête de Lièvremont est de plus en plus bruyante, mais ils ne l’auront sans doute pas. Quand bien même, le mal semble plus profond. Il lui reste 10 mois, un 6 nations et deux matchs amicaux pour remettre son équipe sur les rail avant l’odyssée mondiale. Il va d’abord falloir que les joueurs se relèvent. Et vu du Stade samedi, l’opération s’annonce difficile tant ceux-ci sont sortis meurtris dans leur chair et dans leur tête d’un match qui devait servir de rampe de lancement, et qui s’est finalement transformé en faillite totale. Une faillite pourtant prévisible car récurrente. Après l’Angleterre, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et l’Argentine, c’est la 5ème en moins de deux ans. Trop que pour ne pas être très inquiétant...