Pour le derby, tes entraîneurs t’ont titularisé, ce qui n’a pas toujours été le cas depuis le début de la saison. Est-ce-que cela représente quelque chose de spécifique pour toi ?
C’était une bonne chose.


(Photo D.R.)

Tu joues à l’Aviron depuis plusieurs saisons. Que représente le derby Bayonne-Biarritz ?
C’est un match à part de la saison, important pour les deux équipes, très attendu par tous les supporters du Pays Basque.

Selon toi, est-il comparable à d’autres derbys qui se jouent ailleurs, en France ?
Non il est incomparable car rien ne sépare Bayonne de Biarritz (NDLR : les deux communes sont limitrophes). On croise les joueurs toute l’année dans notre vie quotidienne !

Du coup, faites-vous des soirées entre joueurs des deux clubs ?
Oui quand nos équipes respectives jouent à domicile le même jour, on se retrouve.

Vous vous appelez genre : « les gars, vous passez nous rejoindre, nous sommes à tel bar » ?
Pas forcément mais l’agglomération est petite et il y a deux, trois adresses bien connues, donc on s’y croise inévitablement.

Les professionnelles honorent-ils encore les 3ème mi-temps comme leurs illustres prédécesseurs ?
C’est fini le temps où on sortait jusqu’à cinq-six heures du matin. L’hygiène, la récupération ont pris plus d’importance.

Tu ne réponds pas à la question ?
(Il sourit) Aujourd’hui, on s’amuse mais jusqu’à deux heures du matin.

A l’instar de leurs supporters, les joueurs bayonnais ont-ils dignement fêté cette victoire contre Biarritz ?
Nous avons bu un verre ensemble mais sans excès.

Pour quelles raisons ?
La saison est difficile mais surtout nous avons un match à Bordeaux très important (NDLR : ce match a eu lieu entretemps et s’est soldé par une lourde défaite 34-06 pour Bègles-Bordeaux)

Les coaches ont-ils adopté une nouvelle approche compte tenu de votre début de saison ?
Non, tous les matchs sont importants pour nous. Nous sommes dans l’obligation de tous les gagner.

Les consignes étaient-elles similaires quand vous avez vécu cette folle semaine où trois matchs de championnat étaient programmés en sept jours ?
Oui, mais nous avons tourné pour le match de mercredi qui nous opposait à Clermont avant de jouer Brive, les deux étant à l’extérieur.


(Photo Aviron Bayonnais)

Est-ce-que cela avait du sens de cumuler autant de matchs en si peu de temps ?
Non, quand je vois le calendrier de mars et d’avril prochain. Ce match de mercredi pouvait bien se décaler mais on joue en France et on doit s’adapter au calendrier de l’équipe de France.

Les Bleus tentent désespérément de trouver leur jeu en perspective de la prochaine Coupe du Monde de 2015. Tu es capitaine de l’équipe du Maroc. Où en êtes-vous dans les qualifications pour la prochaine Coupe du monde ?
Nous ne pourrons pas nous qualifier. Nous avons même dû déclarer forfait pour une rencontre !

Pour quelles raisons ?
Il y a beaucoup de problèmes au sein de la fédération.

Malgré tout, est-ce qu’il y a un potentiel ?
Oui, le Maroc pourrait aligner une très belle équipe.

Pourquoi ?
Pratiquement tous les joueurs de l’équipe du Maroc jouent en France, au minimum en Fédérale 1 !

D’après toi, si toutes les conditions étaient réunies, avec quelles équipes pourriez-vous rivaliser ?
Je pense que le Maroc pourrait rivaliser avec la Géorgie ou la Roumanie mais pour cela il faudrait commencer par faire des stages ensemble.

Revenons à Bayonne comment expliques-tu ce mauvais début de saison ?
C’est le Top 14 le plus dur de l’histoire.

Qu’est-ce-qui a changé ?
Les promus, Brive et Oyonnax, gagnent leurs matchs à domicile et s’accrochent à l’extérieur. Ce sont des équipes qui ne sont pas mortes contrairement aux autres saisons où l’un des deux promus obtenait la montée au dernier moment et avait du mal à se renforcer.

Justement, vous avez entamé la saison contre l’un des deux promus, Oyonnax et gagné haut la main 39 à 11. Vous sortiez d’une bonne préparation mais eux-aussi ?
En effet, ils avaient gagné contre Clermont-Ferrand, dans un match de préparation mais c’était un match amical. Depuis, les choses ont changé et ce ne sera pas facile de gagner chez eux.

Ces fameux matchs à l’extérieur. Pourquoi sont-ils plus compliqués à gagner ?
Pour moi, franchement, dans mon esprit de joueur, il n’y a pas de différence entre jouer à l’extérieur ou à domicile. Mais ici, en France, je ne vais pas dire que cela devient à la mode mais cela devient une habitude….

C’est une question d’attitude ?
Effectivement, quand on joue à l’extérieur, ce n’est pas trop grave si on perd. On part déjà dans l’idée d’aller chercher les points de bonus.

Tu as une longue expérience du haut niveau. Ce comportement est-il nouveau ?
Cette saison, c’est encore plus fort. Tous les clubs ont du mal à gagner à l’extérieur même Toulouse, même Toulon, même le Racing… C’est donc devenu une habitude : une équipe qui reçoit chez elle, il faut gagner et quand elle se déplace, si elle gagne c’est très bien ; si elle ne gagne pas, c’est normal, elle jouait à l’extérieur.

Bayonne a de grands joueurs tels que Rokocoko l’ancien ailier All Black et Philips, le demi de mêlée du Pays de Galle. Jouent-ils leur rôle de leader dans la période difficile que vous connaissez ?
Oui bien sûr. Ils font de bons matchs. Ce sont de grands joueurs. D’ailleurs, Michael Philips pour moi, est le meilleur 9 au monde.

Tu le côtoies au quotidien. Qu’est-ce-qui le rend différent des autres 9 ?
Il est costaud, dynamique. C’est un neuvième avant.

Tu es coaché par deux entraîneurs réputés : Christophe Deylaud et Christian Lanta. Quelle influence ont-ils sur l’équipe ?
Ce sont de bons entraîneurs. Ils ont fait le recrutement. On attend que la mayonnaise prenne.

L’effectif a-t-il beaucoup évolué depuis la saison passée ?
Oui, beaucoup de joueurs sont arrivés. On travaille...


(Photo Aviron Bayonnais)

Avez-vous un problème collectif ou des faiblesses à certains postes ?
Si nous avions identifié le problème, nous ne serions pas treizième !

Avec ton expérience, comment on casse une spirale négative qui arrive à n’importe quelle équipe, de n’importe quel niveau ?
Il faut travailler à fond et ne jamais perdre confiance. Le travail paie. Nous avons déjà eu l’expérience à Bayonne ces dernières saisons.

D’où tires-tu cette persévérance ?
De mon éducation. Il faut bosser pour arriver à un bon niveau.

Tu as connu le rugby amateur quand tu es arrivé en France. Quel est le changement majeur avec le rugby professionnel ?
La densité et la quantité. On s’entraîne deux fois par semaine en amateur en en professionnel deux fois par jour !

Qu’est-ce-qui change dans le rapport entre l’entraîneur et le joueur ?
Rien ne change, on joue le même rugby. Les professionnels répètent beaucoup plus que les amateurs : c’est cela qui joue.

Tu as un physique hors norme (Abdellatif Boutaty mesure 1m95 pour 112Kg). Peut-on dire que tu ressembles au rugby d’aujourd’hui ?
Il faut travailler le physique.

Quel que soit le poste ?
Oui, c’est primordial.

Il reste des joueurs aux physiques plus normaux tel que Marvin O’Connor à l’Aviron bayonnais (1m78, 77 kg) ?
Marvin O’Connor est très physique. Tout le monde est bien préparé.

Où se fait la différence ?
Par rapport au collectif, à la chance, à la réussite.

Au niveau technique, comment analyses-tu l’évolution de ton sport ?
Le rugby est un sport qui évolue tout le temps. Les règles changent tous les ans. Au rugby, on apprend toujours.

D’un point de vue de joueur professionnel, comment vit-on ces changements perpétuels ?
C’est difficile. Par exemple avec la mêlée. C’est dur de tout assimiler à l’intersaison en deux mois quand on doit en parallèle travailler la technique, le collectif et le physique.

Assistes-tu encore à des matchs de rugby amateur ?
Oui, très souvent.

Quelles lacunes prédominent ?
C’est le physique qui m’interpelle le plus. Tout le monde ne le travaille pas mais c’est normal, ils ont moins de temps car ils travaillent à côté. Ensuite le rugby ne ne change pas, c’est uniquement la vitesse d’exécution et de réaction.


(Photo D.R.)

Est-ce-que le public a un impact sur les performances des équipes professionnelles ?
Cela transcende, on souhaite mieux faire.

Et Jean Daugier, le stade de Bayonne, est-il particulier ?
C’est magique quand le public de l’Aviron chante.

Retrouves-tu cette ambiance ailleurs ?
A Toulon mais parmi les meilleurs publics, c’est Bayonne.

Sport de plus en plus populaire, le rugby est-il victime du racisme que l’on retrouve dans les tribunes de football ?
Non pas du tout. Je n’ai jamais été victime de propos racistes ni du public, ni de joueurs.

Tu es un musulman pratiquant. Comment fait-on collaborer sa foi et parfois ses exigences avec le sport professionnel ?
Il n’y aucun problème.

Même quand le Ramadan intervient pendant une période de compétition ?
Quand tu as une idée dans la tête, il n’y a pas de souci.

Tu parais indestructible. « C’est dans la tête », dis-tu. Le mental a une grande importance dans le rugby ?
Sans mental, on est mort !

S’il est aussi important, comment le travaille-t-on ?
Je ne sais pas du tout. Tu l’as peut-être ou tu l’as pas.

Faites-vous des exercices spécifiques ?
A ma connaissance, je ne pense pas. Ensuite, cela se développe quand tu vois toute l’équipe s’entraîner dur.