"Depuis mon retour en Belgique, je l’ai assisté et soutenu, comme il m’était possible de le faire. Quoi qu’étant handicapé, par une mobilité plus que réduite, il possédait en revanche une volonté hors du commun qu’il s’était forgé grâce à ses disciplines sportives qu’il pratiqua avec brio, à différents moments de sa vie et que furent l’athlétisme, le rugby et le tennis.

Néanmoins, qui se souvient encore de Marcel Wouters ? Personne ou très peu, sans doute. Marcel pratiquait l’athlétisme avec un certain bonheur, car il possédait cette qualité intrinsèque pour un sprinter, ce que l’on appelle de nos jours un temps de réaction étonnant qui lui permettait de jaillir des starting blocks en moins de temps que ses concurrents. Dommage que les meetings indoor n’étaient, à l’époque, pas encore d’actualité car au niveau européen, il aurait été un remarquable compétiteur.

Il était membre du cercle athlétique de Schaerbeek, moi du racing club de Bruxelles. Lors des meetings, on ne se faisait pas de cadeau sur cette distance qu’était le 100 mètres plat que l’on parcourait déjà l’un et l’autre à l’époque en moins de 11 secondes ! Marcel qui n’a jamais renié ses origines en ’snobant’ à sa manière la nationalité belge, fut également avec Pol Braeckman de l’Union St-Gilloise le premier à franchir 7 mètres à la longueur. Mais que signifie encore cela de nos jours ? Avec toutefois la différence que tout ceci se passait il y a plus d’un demi-siècle !

Marcel et moi étions devenus d’excellents amis, pour qui les arcanes du "pentagone bruxellois" n’avaient plus de secret et où la faconde n’était pas une denrée rare, comme cela l’est devenue de nos jours. Ce joyeux compère de surcroît amateurs de jolies blondes et de rythme afro-cubain finit par me débaucher un soir, lors d’une surboum, avec une copine à Jacques Brel, ceci afin que je vienne le rejoindre un matin d’automne auprès des "ruggers" du Sporting Club d’Anderlecht et que les aficionados appelaient communément le XV de Saint-Guidon.

Marcel, quoiqu’étant droitier, vient hélas de ’passer l’arme à gauche’. Je viens par conséquent de perdre un complice de la première heure. Sache néanmoins, ’vieille canaille’, que je n’en ferai pas trop, car cette bouteille de ’Moët et Chandon" que tu avais gardé discrètement au frais pour fêter tes 80 ans, nous la boirons assurément un jour ensemble, sur une autre planète, qui sera bien entendu ovale. D’ici là, Marcel, bon voyage à travers ces pistes qui n’appartiennent qu’aux étoiles, ainsi que ces terrains, immanquablement suspendus entre le ciel et la terre et sur lesquels, comme j’ai appris à t’apprécier, tu ne manqueras pas une fois de plus de briller à ta façon, c’est-à-dire élégant comme tu l’as été jusqu’à ton dernier souffle.

Ainsi en sera-t-il pour celui qui t’as cotoyé et accompagné jusqu’au bout de ta dernière ligne droite et qui te regrettera, la mort dans l’âme".

Ton ami Guy