(Photo Sportkipik.be)

Quel objectif t’as assigné la Fédération ?
L’objectif est à long terme, il est élevé mais correspond au projet que j’ai présenté : se qualifier pour la Coupe du Monde de rugby au Japon en 2019.

C’est très ambitieux !
Quand j’étais joueur, j’étais compétiteur. Je le suis resté en devenant entraîneur.

Quelle est la durée de ton contrat ?
Il est de trois ans, à l’issue de quoi, deux années optionnelles sont envisageables mais ce sera décidé à l’issue des trois ans.

Il est donc urgent de remonter…
Cela paraît indispensable (NDLR : les Diables Noirs commencent cet automne une campagne qui va durer deux ans). Ensuite, nous allons chercher à stabiliser l’équipe en Tournoi 1B et puis se qualifier pour la Coupe du Monde en deux ans.

Quel projet de jeu vas-tu mettre en place pour mener ces objectifs ?
Je repars sur ce que je faisais avec les équipes jeunes. Un jeu aéré qui laisse libre cours à l’initiative du joueur, créer l’incertitude des porteurs mais aussi des non porteurs. Je souhaite que les joueurs prennent du plaisir, qu’on déplace le ballon, le jeu et qu’on mette du rythme dans les parties.

On sent fortement l’influence de l’école française ?
(il sourit) Oui même si on la voit de moins en moins en France ! J’ai été élevé dans ce rugby et j’aimerais le retrouver. Beaucoup de belles équipes proposent ce jeu aujourd’hui : Australiens, Néo-Zélandais... C’est le haut niveau, il faut s’en inspirer.

As-tu intégré la culture belge dans ce projet de jeu ?
Oui car il y a une notion de combat très importante dans le rugby belge et cela tombe bien car cela rejoint les valeurs de notre sport : un combat individuel et collectif. Ensuite, on voit que la culture belge évolue par le jeu proposé dans les clubs, chez les équipes jeunes, dans les équipes de rugby à 7 au niveau national. Pour moi, on a de plus en plus de joueurs capables de proposer ce type de jeu.

Inversement, que manque-t-il au rugby belge ?
Des compétitions chez les jeunes où ils pourraient multiplier des matchs de très haut niveau. Pour avoir suivi très régulièrement les -17 ans et -19 ans, certaines équipes n’ont que trois ou quatre matchs maximum de très haut niveau dans l’année. Alors, quand tu leur demandes sur une semaine ou dix jours, de faire quatre matchs de très haut niveau d’affilée, nous n’y arrivons pas.

Ce que tu décris chez les jeunes, ce championnat à deux vitesses, il existe également en Division 1 senior. Selon tes premiers échanges avec la fédération, pourras-tu influencer cette situation ?
Ce qu’il faut arriver à faire comprendre aux joueurs attirés par les lumières du rugby professionnel, français ou anglais, ce sont les dangers. Tout le monde ne perce pas et cela ne sert pas le rugby belge. Les meilleurs talents partent et affaiblissent les championnats, renforçant les disparités.

Si je résume, tu encourages les jeunes joueurs à rester jouer en Belgique ?
Oui, j’appelle les jeunes joueurs belges à rester en Belgique pour tenter de s’imposer dans les meilleurs clubs de division 1. Bien sûr et c’est normal qu’un jeune ait envie de tenter une expérience ailleurs mais il faut le limiter à un certain nombre car tous ne passeront pas le cap du professionnalisme. Il faut être attentif. Du reste, si nous souhaitons atteindre nos objectifs, il faut parvenir à développer des championnats de rugby forts en Belgique.

Dans ces conditions, donneras-tu priorité aux joueurs évoluant en Belgique ?
Oui et c’est pour cela que je viendrai le plus possible, comme le week-end dernier en Belgique (NDLR : Guillaume Ajac a assisté à Soignies-Boitsfort et La Hulpe-ASUB en Division 1) car je suis persuadé qu’il existe des potentiels aujourd’hui en Belgique et qu’il n’y a pas besoin d’aller chercher des joueurs qui sont dans des championnats français ou étrangers annexes. Par annexe, j’entends des championnats en dessous de la Fédérale 1 française.

Selon toi, à quelle division du championnat français correspond les équipes de notre première division ?
Il y a du bon niveau de fédérale 2 et certains clubs belges pourraient jouer en Fédérale 1. Peut-être pas au sein des dix meilleurs équipes car c’est quasiment des professionnels mais dans le ventre mou de la Fédérale 1, j’en suis convaincu.

Ton staff dont nous allons parler va-t-il également se déplacer en Belgique pour assister à des matchs ?
Oui, j’aimerais qu’ils viennent superviser eux-aussi. Pour commencer, ils seront tous là pour le stage préparatoire au déplacement en Ukraine, donc la veille du stage, dès le dimanche, ils iront se balader partout en Belgique. Par ailleurs, je souhaite m’appuyer sur des entraîneurs de Division 1 et 2 qui sont en place pour recueillir au quotidien des informations.

Sais-tu que c’était un des reproches adressés à ton prédécesseur ?
Je ne sais pas. Mais dans tous les cas, je ne cherche pas à faire des choses différentes mais des choses qui sont logiques au rôle d’entraîneur national et son rôle, selon moi, est de s’appuyer sur son championnat domestique.


Avec Raphael Renders. (Photo Sportkipik.be)

Puisque j’évoquais Richard McClintock, à quoi attribues-tu ton élection ?
Je l’attribue à une envie de changement. Quand tu fais du haut niveau, le discours ne peut pas durer x années. Alors je sais, les personnes qui pensent l’inverse prennent souvent l’exemple du Stade Toulousain. Effectivement, Novès est en place depuis 20 ans mais son staff a changé 20 fois ! Ce qui a pu contribuer à la validation de mon projet, c’est ma connaissance du rugby belge. Cela fait 7 ans que j’interviens ici. Je me suis aussi entouré de personnes qui composent le rugby belge. Je me suis aussi entouré d’experts compétents en France et même au-delà tels que Philippe Ebel, ancien capitaine de la Section paloise, international France A et Henri Broncan.

On va y revenir mais auparavant un commentaire. Tu ne dois pas ignorer que les francophones en Belgique suivent beaucoup la politique française et quand tu parles de changement, on pense bien entendu à un slogan bien connu.
(il rigole) J’espère que j’aurai plus de réussite !

Et donc si tu parles de changement, comment expliquer l’absence d’entraîneurs belges dans le staff communiqué fin août ?
Il va y avoir des entraîneurs belges dans mon staff, je les ai déjà présentés au Conseil d’administration de la fédération.

Qui sont-ils ?
Il y a Raphael Renders avec qui j’ai travaillé dans les équipes belges et qui a une spécificité sur certaines phases d’entraînement comme les rucks. J’ai contacté également Damien Godefroy qui nous amènera son expérience d’ancien joueur de l’équipe nationale et sa vision de la touche, Sébastien Guns et Bertrand Billi à qui j’ai proposé d’entraîner l’équipe U19 à partir de la saison prochaine. Il reste enfin un entraîneur à déterminer.

Tu cites Sébastien Guns et Bertrand Billi. Cela signifie qu’ils arrêtent l’équipe nationale ?
Non, mais je ne veux pas qu’il y ait de conflits d’intérêt. Ils seront donc détachés mais ce sont de jeunes entraîneurs auxquels je crois. Ce sera eux les entraîneurs de l’équipe nationale de demain.

Pour rester sur les joueurs, est-ce que des joueurs t’ont fait part de leur souhait d’arrêter leur carrière internationale suite à ce changement de staff ?
Je n’ai pas eu de joueurs qui m’indiquaient qu’ils arrêtaient l’équipe nationale. J’ai eu par contre des joueurs qui m’indiquaient qu’ils continuaient l’équipe nationale : Thomas De Molder, Julien Berger, Alan Williams…

T’ont-ils contacté spontanément ?
Soit moi directement, soit justement mon staff en France et c’est pour cela que je prends l’exemple de Thomas De Molder qui a croisé Henri Broncan il y a quinze jours. Ce sont des joueurs importants et c’est bien de savoir qu’ils continuent.

Tu cites Henri Broncan, j’avais noté également Marc Jourdaine, Simon Leader et Philippe Ebel que tu as déjà mentionnés. C’est une équipe pléthorique si j’additionne les entraîneurs belges. Quelle tâche leur as-tu attribué et autour de quel fonctionnement ?
C’est un système utilisé aujourd’hui par les Britanniques avec des rôles très spécifiques. Ma mission sera d’être entraîneur en chef de l’équipe nationale, de coordonner l’équipe des -23 ans et -19 ans pour que ces trois groupes soient en corrélation en permanence.

Qu’est-ce-que cela signifie concrètement ?
On multipliera les rassemblements en commun car pour moi, un garçon qui à 18 ans est en sélection, c’est potentiellement un Diable Noir de demain. Il doit donc être au courant du système de jeu. Il faut donc une vraie communication avec des staffs certes dédiés à chaque équipe mais des discours communs pour les trois équipes.

Dans le détail, quelle sera la mission des noms cités plus haut en commençant par Henri Broncan, surnommé le sorcier gersois, passé par Agen et Auch ?
Il a en effet une grosse expérience du haut niveau et gère actuellement le centre de formation du club de Tarbes. Pour moi, il sera d’abord un relais pour le grand Sud-Ouest dans la supervision de matchs de jeunes joueurs qui jouent en espoir comme Thomas De Molder à Pau, Esteban Thewissen à Toulouse, les joueurs qui évoluent à Perpignan ou encore Guillaume Piron qui évolue à Colomiers. Henri Broncan va venir ponctuellement en Belgique participer à nos séances d’entraînement. J’aimerais aussi qu’il intervienne dans la formation auprès des entraîneurs de club.


(Photo Sportkipik.be)

Quid de Philippe Ebel ?
Ce sera l’entraîneur des avants.

Quel sera le rôle de Marc Jourdaine, ancien joueur professionnel, trois-quart centre, passé par Bayonne et Albi et qui vient de terminer un contrat d’entraîneur avec Bourg-en-Bresse ?
Compte tenu de sa formation d’analyse vidéo acquise auprès de la FFR et d’analyse performance, j’aimerais m’en servir de lien avec la préparation physique dans le découpage de la performance du joueur, les temps de course, des montages vidéo spécifiques.

Pour terminer la découverte de ton staff, il y a Simon Leader, un ancien international gallois -20 ans, originaire des Scarlett de Llanelli. Qu’attends-tu de lui ?
Je souhaite utiliser son expérience de buteur. J’attends aussi qu’il nous amène une vision un peu différente dans la préparation compte tenu de ses origines britanniques, en termes à la fois techniques mais aussi d’organisation. Il nous ouvrira aussi des portes vers l’Angleterre, ce qui est précieux car il travaille aujourd’hui avec l’académie des WASP et l’Université de Cambridge. C’est un vrai plus. Il a par exemple des contacts avec deux joueurs anglais qui sont originaires de Belgique et qui jouent dans des clubs professionnels en Angleterre.

La semaine dernière, on pouvait lire dans les médias français que dix joueurs étrangers et pas des moindres – Kockott (Castres), James (Clermont), S. Armitage (Toulon), S. Ermitage, etc… - qui évoluent depuis plusieurs années dans le championnat de France de rugby allaient être suivis par le comité de sélection de la FFR.
(il me coupe) C’est dommage.

Certes, on peut en discuter mais tu viens de citer deux joueurs évoluant en Angleterre. Que faut-il penser ?
Je vais te dire que si le grand-père de Jonny Wilkinson est Belge, il va jouer. Si un gars est au-dessus du lot, bien entendu mais je répète mes propos : s’il y a deux joueurs de niveau identique, un évoluant en Belgique, l’autre à l’étranger, je prendrai le premier. Pour moi, dans les listings que j’ai, au jour d’aujourd’hui, il y a possibilité de prendre un maximum de joueurs qui jouent en Belgique. Ensuite, si je prends l’exemple concret de Julien Berger. Il est au-dessus du niveau à son poste. Evidemment, il joue en France et s’il est lâché par La Rochelle, il viendra jouer.

Dans ce staff, ne manque-t-il pas un certain Yves Ajac, bien connu en Belgique. C’est parce qu’on ne travaille pas avec son papa ?
J’ai déjà travaillé avec lui quand j’étais joueur et cela aurait été un plaisir de collaborer avec lui car ce sont des rapports particuliers mais cela ne se fait pas car il a d’autres missions avec la FFR. D’ici trois quatre ans il sera à la retraite et aura, je pense, toujours envie de s’investir au rugby. Alors, pourquoi pas envisager qu’il vienne ponctuellement nous aider.

Pour terminer cette Interview du Jeudi de rentrée, j’aimerais évoquer avec toi l’actualité du rugby belge et notamment l’absence de président à la FBRB. L’assemblée générale qui a lieu ce vendredi 19 septembre et éventuellement les décisions qui en découleraient peuvent-elles remettre en cause ta nomination ?
Non et je n’ai pas noté le 20 septembre dans mon agenda. J’essaie de faire abstraction de ce qu’il se passe au niveau des instances dirigeantes. On m’a demandé de constituer une équipe sportive afin de mener à bien les projets fixés. J’avance là-dessus. J’ai évidemment entendu les rivalités qui peuvent exister. Elles sont peut-être un peu marquées en Belgique mais elles se passent aussi ailleurs. Il n’y a qu’à citer Serge Blanco à la FFR.

Cela signifie aussi qu’on t’a transmis un budget ?
Bien entendu, il fallait budgétiser car cela rentre dans la faisabilité d’un projet. Mais, et même si cela fait partie du contrat, le staff que j’ai mis en place et moi-même, nous ne nous engageons pas dans ce projet pour l’aspect financier mais sportif. Je me suis appuyé sur des gens en qui j’ai totalement confiance, compétents techniquement et humainement.

Des sommes ont été évoquées au printemps dernier à propos de ton prédécesseur (NDLR : la somme de 45.000 euros a été mentionnée par Hugues Dispas dans une IDJ). Te situes-tu au même niveau ?
Sur les chiffres qui circulaient sur son salaire, si on parle des mêmes chiffres, mon budget global est sur la moitié, tout le staff compris !