Gilles Bizot. (Photo D.R.)

Octavian Morariu, le nouveau Président de la FIRA-AER est membre du Comité international olympique (CIO). Tout un symbole à deux ans de l’entrée du rugby aux Jeux Olympiques
Oui, c’est très important.

Ça a joué dans son élection ?
Non car il vient vraiment du milieu du rugby (NDLR : de nationalité roumaine, Octavian Morariou a notamment été international et président de sa fédération) et nous avons appris qu’il entrait au CIO deux jours avant son élection.

Justement, vis-à-vis des autres candidats ?
C’était le seul candidat.

Qu’attendez-vous de sa position au CIO ?
L’ouverture à d’autres réseaux, d’autres vues du sport de manière générale

J’ai noté également que vous avez créé une commission en interne qui va s’interroger sur l’avenir du rugby dans le 10 ans. Quelles sont vos premières questions ?
Le développement du joueur, le développement du jeu, peut-être créer de nouvelles compétitions.

Est-ce-que les conséquences de l’entrée massive et officielle d’argent sont à l’agenda ?
Pas pour le moment.

Il a quand même une forte influence ?
Oui l’argent aide. Il permet de former les éducateurs, les arbitres, d’avoir une couverture télé...

Est-ce qu’il n’influence pas les règles ?
Non, je ne pense pas. Mais bien sûr, comme dans tout sport, il faut faire attention.

Les règles changent beaucoup au niveau du rugby, n’est-ce-pas l’influence du sport spectacle qu’exigent les TV ?
Non, cela s’inscrit dans un processus de simplification car il y a beaucoup de gens qui travaillent au développement. Les règles du rugby s’appréhendent moins facilement que pour d’autres sports.

Avant d’entamer cette interview, tu m’expliquais que vous étiez 4 salariés à la FIRA-AER pour 48 pays. C’est mission impossible ?
Nous nous appuyons sur beaucoup de bénévoles qui consacrent beaucoup d’heures. Mais effectivement, quand on compare au handball, volley-ball, évidemment au football, c’est très, très juste. C’est du évidemment à l’histoire de la FIRA qui a longtemps été liée à la Fédération française de rugby. (NDLR : née, le 02 janvier 1934 à Paris la FIRA est le fruit d’un divorce franco-britannique)

Avec la professionnalisation du rugby, les six nations du fameux Tournoi ne doivent pas entrer dans votre champ de compétence ?
Faux, les Six nations collaborent notamment au niveau de l’arbitrage, de la formation. Elles ont par exemple accepté d’intégrer, il y a quatre ans, notre Tournoi jeune phare des U18.

Quelle est la raison de leur engagement à cette compétition ?
Ils n’avaient pas de compétition à ce niveau-là. Ils avaient besoin de se confronter et nous cherchions des oppositions pour nos meilleures équipes : Russie, Roumanie, Portugal, Espagne, Géorgie.

Tu utilisais le terme « Tournoi phare ». Peux-tu préciser ?
Ce championnat d’Europe U18 est le tournoi du développement et de l’accession au haut niveau pour toutes les petites nations. Beaucoup de projets ont lieu autour de cet événement. Des rencontres entre entraîneurs, des entraînements croisés entre petites équipes et grandes équipes, des échanges entre arbitres … Patrick Robin notre « referee manager », par exemple, en profite pour demander aux nations de lui proposer leurs meilleurs arbitres de demain.

C’est un coût énorme ?
Oui ça nous coûte. C’est environ 10% de notre budget annuel (NDLR : 2, 6 millions d’euros) pour 36 matchs en 10 jours mais la jeunesse est une priorité de la FIRA.

Le Tournoi U19 au Portugal où la Belgique vient de disputer la Finale, c’est la continuité ?
Oui et non car ce sont les meilleurs des U18 sans les Six Nations avec pour objectif de faire progresser les équipes en perspective des moins de 20 ans.

Quid des plus jeunes catégories : U15 et U16 ?
Nous n’avons pas encore de compétitions mais nous avons initié des camps où nous faisons travailler les joueurs, les coaches et les arbitres.

Quel est votre objectif ?
Augmenter le niveau de jeu au niveau européen pour amener plus de concurrence et faire progresser tout le monde.

Qu’est-ce-qui vous motive ?
Nous regardons les résultats en coupe du monde. Sur les sept qui ont été organisées, une seule fois l’Europe a obtenu le trophée !

Comment expliquez-vous à la FIRA ces résultats décevants des équipes européennes en Coupe du Monde ?
Nos observations sont que les Néo-Zélandais, les Africains du Sud, les Australiens continuent d’être au-dessus.

D’accord mais nous avons toujours l’impression que les Européens sont en retard sur les nations du Sud. Comment l’expliques-tu ?
Le facteur culturel est vraiment très important et le pourcentage de joueurs de rugby par rapport aux autres sport l’est tout autant. Il y a un réservoir de joueurs incroyable.

Mais la France et l’Angleterre en termes de licenciés dépassent ces nations ?
Oui. Quand on voit les résultats des tests d’Automne, la France et l’Angleterre ne sont pas loin des Blacks mais il y a toujours un palier.

Où demeure le blocage ?
Je ne suis pas assez technicien pour le dire.

Où se situe pour vous la Belgique dans le concert européen ?
Notre échelon, c’est la Coupe d’Europe des Nations qui vient après le Tournoi des Six Nations et la Belgique en fait partie ! Pour nous donc, elle fait partie des douze meilleures nations au niveau européen.

Penses-tu que les Diables noirs sont appelés à rester dans le Top 12 ?
Les Diables noirs ont réussi de très bons matchs l’an dernier et concrétiseront cette année mais actuellement, il y a trois nations au dessus, Roumanie, Géorgie et juste derrière, pas très loin, la Russie. Ensuite, il y a trois équipes – Belgique, Espagne, Portugal – qui jouent la descente ou peut-être la troisième place dépendamment des résultats de la Russie.

Es-tu surpris de l’accession de la Belgique à ce niveau ?
Non c’est très logique. Il y a eu du très bon travail réalisé en Belgique. Les élus ont suivi l’avis des techniciens. Il y a eu une croissance importante du nombre de licenciés au cours des dix dernières années. La Coupe du monde en France a d’ailleurs fait beaucoup de bien à la Belgique.

Hormis la France et l’Angleterre, incomparables, où se situe la Belgique au sein de la FIRA, avec ses 12 000 licenciés ?
Avant tout, il faut savoir que le nombre de joueurs licenciés en Europe est de un million. Attention, ce chiffre ne compte pas les pratiquants qui sont très nombreux notamment dans les pays anglo-saxons.

A combien estimez-vous le nombre de ces pratiquants non licenciés ?
Je ne veux pas dire de bêtise.

Mais, grosso modo on parle de 100 000, 200 000 en plus ?
Non bien plus, on doublerait. L’IRB compte environ trois millions de pratiquants dans le monde et nous ne serions pas loin des deux millions en Europe.

Vous vous fixez des objectifs ?
Oui, en 2015, nous aimerions atteindre à la FIRA à 1, 2 millions de licenciés, soit une augmentation de 20%.

Nous sommes en 2013, êtes-vous en passe de réaliser cet objectif ?
Non, nous ne savons pas et même si nous sommes curieux, nous verrons le moment venu les chiffres.

Pourquoi se donner un tel objectif de croissance ?
Car nous nous sommes donnés comme objectif le développement du rugby en Europe.

Qu’est-ce-que cela signifie ?
C’est parce que le rugby est devenu olympique, parce qu’un sport s’il ne progresse pas, régresse. Il faut qu’on soit toujours en avance et donc nous travaillons avec l’IRB à des projets de participation de masse vers les écoles, les universités, les clubs pour qu’il y ait une augmentation quantitative de joueurs et qualitative en terme d’entraîneurs.

Mais, revenons à ce fameux million de licenciés européens. Les 12 000 licenciés belges paraissent une goutte d’eau...
Attention car 86% de ce million viennent des pays des Six Nations, ce qui laisse 140 000 licenciés pour tout le reste, ce qui permet facilement d’imaginer la marge de progression. Dés lors, la Belgique représente 8% de la population rugby hors Six Nations.


Octavian Morariu et George Nijaradze (président de la fédération géorgienne). Et Gilles Bizot à l’arrière plan. (Photo Isabelle Picarel)

De quel pays viendra la croissance ?
Je pense par exemple à la Turquie qui nous a rejoint il n’y a pas longtemps et qui a un très fort potentiel.

Qu’est-ce-qui créé la croissance ?
Voir du rugby à la Télévision est fondamental. Les valeurs du rugby y sont pour beaucoup également, notamment quand on observe ce qui se passe dans d’autres sports, tel que le football. J’ajouterai aussi et enfin, l’ouverture au programme olympique.

Sentez-vous déjà l’effet olympique ?
Les fédérations se structurent et nous avons nous aussi dû nous y mettre. C’est simple en 2009, nous organisions 4 tournois par an. Aujourd’hui, c’est 10, 12.

Et dans quelques années ?
Ça va exploser.

Quant au observe la qualité d’organisation, le nombre de participants et la ferveur autour d’un tournoi de Seven comme Dubaï, on peut s’interroger sur la rivalité entre le rugby 15 et le 7 ?
Notre approche est commune à l’IRB : le rugby à sept est une discipline mais c’est un moyen d’arriver au 15, qui pour nous reste vraiment la référence. Il ne faut pas oublier qu’à la base le 7 était un moyen de faire travailler les ailiers. C’est un jeu tout simple qui était complémentaire du 15.

Mais le 7 semble de plus en plus qu’un simple petit frère du 15 ?
Je ne répondrai pas à la question « est-ce-que le 7 va supplanter le 15 ? ». Ce n’est pas de mon ressort. Mais du reste, nous ne nous posons pas la question.

Mais tu ne peux nier qu’il y a de fortes différences entre ces deux disciplines ?
Oui au niveau de l’enthousiasme notamment. Je suis un peu novice dans les deux disciplines mais je vois bien que le rugby à 7 est pus joyeux que le 15. Ensuite, il y a deux facteurs qu’il ne faut pas oublier. Quand il est joué à un très haut niveau, le 7 est très beau mais quand il est joué à petit niveau, il n’est pas très exaltant.

N’est-ce-pas le cas pour le à 15 également ?
C’est pareil oui mais le second facteur est que le rugby à 15 permet un rôle sociétal très intéressant car il permet à tous, grand, petit, maigre, gros …de jouer ; à 7, ce n’est pas forcément le cas. Enfin, je crois que c’est au 7 de vivre sa vie dans le monde du rugby.

Quant tu parlais plus tôt d’attirer de nouveaux joueurs, le 7 par sa lisibilité plus grande n’a-t-il pas un avantage ?
Pour les novices oui, pas pour les autres.

Mais vous visez les novices ?
Pas uniquement.

Je pense au spectacle de matchs qui s’enchaînent, aux médias, aux sponsors. N’y-a-t-il pas franchement un vrai risque pour le 15 ?
Non. Dans les pays à forte culture rugbystique, le 15 demeurera. Par contre le 7 va aider le rugby dans les pays où il n’y a pas une forte culture du rugby.


7’s WGPS 2013 à Brive. (Photo D.R.)

Quid du Touch, ou du Beach rugby ?
Ce sont des instruments de développement de la pratique du rugby différents à l’instar aussi du snow rugby ?

Le snow rugby ?
Oui, il se développe beaucoup en Russie. Dés qu’il y a du ballon ovale quelque part, c’est très bien.

Revenons à la Belgique. Est-ce-que les Diables noirs peuvent rêver d’être dans le Tournoi des 6 Nations ?
Il faut savoir que c’est un tournoi fermé.

L’histoire a démontré le contraire, le Tournoi s’est ouvert à la France et à l’Italie.
Oui et l’Italie doit son entrée à ses performances au niveau FIRA.

Aimeriez-vous que cela s’ouvre plus ?
Oui dans l’absolu mais ce n’est pas notre décision.

Quelle est l’équipe européenne qui pourrait être candidate ?
No comment.

Qu’est-ce-qui manque à la Belgique alors ?
Du temps. Il ne faut pas oublier que le rugby est un jeune sport professionnel. Mais en quelques années, la Belgique a intégré le plus haut niveau du rugby à 7 européen après un sans-faute l’année passée. Comme quoi, cela peut aller vite. Ensuite, ce sont des choix de fédération, de miser sur le 7 ou pas.

Et au niveau des filles ?
Le rugby à 15 suscite un peu moins d’intérêt qu’avant. En Belgique, cela se ressent aussi.

Pour quelles raisons ?
Puisqu’il y avait moins de filles qui jouaient, le 7 a pris de l’importance très rapidement.

Les jeunes joueurs belges sont attirés par le championnat français au détriment du niveau du championnat belge. Quel est votre message par rapport à cela ?
Le développement du rugby dans un pays est obligé de passer par un championnat domestique le plus fort possible. Si les pays perdent leurs meilleurs joueurs très tôt, c’est dommageable pour tout le rugby dans le pays.

Mais pouvez-vous aider ?
Il faut développer des compétitions adaptées au niveau des joueurs pour qu’ils aient le sentiment de progresser.

Le championnat de Belgique de première division est présentement un championnat à deux vitesses
(il me coupe) Mais il y a une compétition qui se met en place entre les fédérations belge, allemande et néerlandaise.

Cette compétition n’a pas encore trouvé son rythme. Pouvez-vous aider ?
Oui, mais ils doivent s’entendre d’abord entre eux.

Devrait-il se constituer en Ligue pour peser ?
Je ne crois pas. Il est mieux que les clubs travaillent avec leur fédération. Tout le monde a intérêt à faire augmenter le niveau du rugby.

Mais en Belgique tous les clubs ont la même voix, qu’ils aient 500 membres ou 30 ?
Je ne peux rien dire. C’est la gouvernance interne de la Fédération belge.

Mais le problème est que chacun veut des résultats. L’entraîneur de club, le sélectionneur…
Au niveau professionnel aussi.

Certes mais cela ne s’oppose-t-il pas un peu aux valeurs du rugby ?
C’est le même problème dans tous les sports.

Des exemples sont à suivre ?
Pas vraiment. Tout est complémentaire : l’ancrage local et la vision globale. Tout dépend de la physionomie des pays.