L’actualité pour toi, c’est la mise en place du projet « Get into Rugby », en quoi cela consiste ?
Augmenter le nombre de joueurs dans les clubs de rugby flamands et pour y parvenir, nous visons les écoles les plus proches possibles autour des clubs en essayant d’intégrer les professeurs d’éducation physique dans le projet.


Mathias Rondou. (Photo Sportkipik.be)

Quelle est votre approche pour séduire ce public ?
Nous utilisons le Tag rugby.

Tu veux dire le Touch rugby ?
Non, le rugby avec le foulard. Ce n’est pas le plus spectaculaire mais c’est un moyen pour les professeurs d’apprendre le rugby et de réaliser que c’est un sport simple et pas aussi compliqué et violent qu’ils le soupçonnent.

Quelle est la tranche d’âge que vous visez à travers ce programme ?
Les enfants âgés de 9 à 13 ans.

Quand avez-vous commencé ce projet ?
Au début de cette année, autour d’un projet pilote mené avec les clubs de Schilde, Mechelen et Laakdal. On essaie désormais de convaincre d’autres clubs et écoles.

Un premier bilan ?
Nous avons donné cours à 700 élèves – aussi bien garçons que filles - et déjà formé 14 professeurs.

Quelles sont les réactions des élèves au premier contact ?
« C’est cool » car leur image du rugby, c’est le plaquage donc ils s’attendent à plus d’agressivité. De ce fait, ils apprécient. En plus, on pratique aussi bien dehors qu’en salle.

Le rugby est-il un sport qui leur est familier ?
Non. En Wallonie, ils connaissent mieux. En Flandre, c’est le sport avec casque et armure…

Cette appréciation du rugby est-elle généralisée à toutes les générations ?
Je pense que 80% des Flamands croient encore que le rugby, c’est du football américain.

On parlait des enfants. Quelle est la réaction des enseignants ?
Ils avaient la même image du rugby que leurs élèves ! Mais on a bien pris le soin de leur expliquer que c’était une formation gratuite et qu’ils devaient participer.

Et ensuite ?
Ils ont trouvé que c’était facile à pratiquer avec beaucoup de jeu, seulement trois, quatre règles. Ils ont également remarqué que c’était accessible à tous, rapides comme petits !

Quelles sont les grosses différences entre le Touch Rugby et le Tag Rugby ?
En défense, c’est plus compliqué car il faut se saisir du foulard. Par ailleurs, le porteur de balle a encore 3 secondes pour transmettre.

Le Tag rugby est une jeune discipline. Penses-tu qu’il a un avenir ?
Je constate que jusqu’à 11 ans, le Tag Rugby nommé « Rippa rugby » en Nouvelle-Zélande est le seul rugby pratiqué ! C’est également pratiqué en Angleterre pour les moins de 9 ans et aux Etats-Unis.

Le Tag rugby est un sport d’équipe sans contact. L’intérêt que lui porte une terre de rugby comme la Nouvelle-Zélande, les résultats des Blacks, la qualité de leur jeu… tout cela induit-il que certaines fédérations ne vont pas dans la bonne direction auprés des jeunes ?
Je pense que c’est une bonne pratique pour les appuis et le soutien car tu es contraint de donner ton ballon – 3 secondes maximum –. Dans le rugby normal, le joueur fort aura tendance à casser la défense sur sa puissance avant d’aller marquer sans l’aide d’aucun coéquipier.

Dans le projet « Get into rugby », tu mentionnais la proximité entre l’établissement scolaire et le club. Qu’exigez-vous du club ?
De l’investissement et à l’issue de la période d’intervention, il doit s’engager à organiser un tournoi pour l’école.
Actuellement, il y a plus de licenciés rugby francophones que néerlandophones (3500 contre 7500). As-tu espoir que ce projet inverse les courbes ?
Nous attendons des progrès.

Quelle est l’évolution des dernières années ?
La courbe stagne. Actuellement, nous avons beaucoup de joueurs qui ne reprennent pas leur licence.

Combien ?
800 joueurs n’ont pas repris leur licence à la rentrée.

Une perte sèche ?
Non, elle a été équilibrée par presque autant de nouveaux joueurs.

Comment expliques-tu tous ces départs ?
Pour moi, c’est simple, il n’y a pas assez d’entraîneurs qualifiés et de clubs structurés. Notre sport est amateur mais quand un entraîneur est seul avec trente joueurs comme par exemple, en cadet à Anvers cette saison, c’est un problème. Le club en a conscience mais tu perds fatalement des joueurs.

La situation est-elle franchement différente en Wallonie ou à Bruxelles ?
Quand j’observe les grands clubs, je constate qu’il y a beaucoup d’ex-joueurs qui entraînent. A Leuven, par exemple, il n’y en a qu’un actuellement sur tout le club. A Dendermonde, c’est mieux mais pas tant que cela.


Mathias sous le maillot de Boitsfort en 2011. (Photo Alain Dams)

C’est une question de culture ?
Le rugby s’est développé en Belgique après la guerre à Anvers puis s’est déplacé à Bruxelles. Depuis, les médias francophones jouent un gros rôle.

Veux-tu dire que le rugby n’est pas visible en Flandre ?
En Flandre, il n’y a qu’une TV régionale qui fait des reportages. C’est Oost TV. Probablement parce que Dendermonde est une des équipes collectives les plus performantes de la région.

Si on s’arrête à la première division qui reste la vitrine, on recense cette saison et depuis bien longtemps, un seul club flamand, en l’occurrence, celui que tu viens de citer, Dendermonde. La répartition est bien plus équilibrée en revanche quand on observe la seconde division avec notamment plusieurs clubs ambitieux, non ?
Effectivement, il y a Schilde, Anvers et Leuven en deuxième division bien placés. Ce sont des prétendants mais ça peut changer rapidement car certaines dquipes jouent avec des vieux joueurs.

La moyenne d’âge de ces clubs est un problème qui préoccupe la VRB ?
C’est mieux de regarder la composition des équipes jeunes. Si un club a une équipe en division 1 U19 et U17, alors il a un avenir.

Ce n’est pas véritablement le cas actuellement ?
Il y a des progrès...

Quels discours tiennent les clubs à ce sujet ?
Prenons Anvers, le Conseil d’administration change très souvent. C’est donc difficile de construire une vision pour le club.

La situation est-elle meilleure à Schilde ?
Oui, ils ont deux entraîneurs par catégorie. Les résultats l’attestent. Il y a cinq ans, Schilde jouait encore en régional.

Où se situe ton club, Leuven, dans ce panorama ?
La stratégie du club est d’envoyer des joueurs à Boitsfort ! (Il rigole) Puis les intégrer dans l’équipe 1 ! Nous avions des bons joueurs chez les jeunes. Beaucoup sont revenus à l’exception de Sep De Backer et Tuur Moolants.

Cette migration, l’as-tu envisagé ensemble avec tes coéquipiers de l’époque ?
Non, j’étais l’un d’entre eux, pas plus. Je jouais en équipe 1 de Leuven depuis trois ans, je cherchais un nouveau challenge et Boitsfort était proche pour moi.

Au final, vous avez créé une petite communauté ?
Bien sûr, retrouver d’autres joueurs que l’on connaît déjà, c’est bien sympa mais j’ai aussi fait le pas, comme les autres aussi, je crois, pour améliorer mon français.


(Photo Sportkipik.be)

Marc Bogaerts le président de Leuven insiste beaucoup sur la formation. C’est l’influence de joueurs comme toi dans le club ?
Oui, je suis actif comme d’autres commencent à l’être aussi, en tant qu’entraîneur. C’est vrai qu’il y a trois ans, nous n’avions pas autant d’équipes que maintenant dans les catégories de jeunes. Idem en senior, nous avons désormais un groupe de 60 joueurs !

En terme de résultats, quels sont les objectifs de l’équipe 1 de Leuven ?
Tu dois poser la question à Pierre Plasman et Peter Duchau (NDLR : les co-entraîneurs de Leuven) ! Nous avons une bonne équipe mais insuffisamment de joueurs pour être compétitif en Division 1.

Que vous faudrait-il ?
La même équipe chaque semaine. Ce n’est jamais le cas !

Tu n’as pas répondu sur l’objectif ?
Nous visons le Top 3 de Division 2. C’est réaliste

Bientôt les matchs retours. Quels enseignements tires-tu des oppositions avec vos adversaires directs ?
Je pense que La Hulpe mérite de jouer en Division 1. Le club est prêt à l’image de ses U19 qui ont atteint la finale du championnat l’an passé. Leur réserve joue également un bon rugby. A Louvain, l’équipe réserve est dernière au classement !

Où se situe votre marge de progression ?
Au niveau de joueurs qui commencent. Ils ont un gros potentiel mais parfois seulement deux ans de rugby derrière eux. Beaucoup commencent le rugby à l’université.

Justement, Leuven est une grande université. Avez-vous créé des passerelles ?
Nous essayons de créer des liens. Il y a trois semaines, par exemple, le mardi, nous avons joué un match amical contre l’équipe universitaire. Ils s’entraînent aussi parfois chez nous. Chaque année, cinq-six joueurs finissent ainsi par alimenter le groupe première-réserve.

Pour conclure, comment tu vois le rugby en Flandre dans 20 ans ?
Nous avons un gros potentiel. Cela passera par la création de nouveaux clubs. Beaucoup de villes n’ont pas encore de club de rugby.

Tu veux dire qu’on devrait voir fleurir de nouveaux clubs de rugby dans les prochaines saisons ?
Oui à l’instar de Hasselt, né il y a trois ans, Lennik il y a deux ans.

Quel rôle joue la VRB dans la naissance de ces clubs ?
Nous fournissons du matériel. Nous offrons des cours d’initiation au rugby et nous essayons de recruter des gens pour les aider à se structurer.

Pour que le rugby belge gravisse une autre marche au niveau international, est-il indispensable que le rugby se développe dans tout le pays ?
Oui certainement.