Texte de Rémy Bossert (BRC)


Compagnons de Boitsfort : La route n’était pas si longue mais ils sont allés jusqu’au bout...

Prenez un mélange improbable de jeunes artisans maçons, couvreurs, charpentiers… échoués pour 6 mois en Belgique pour travailler sur un chantier au parc Pairi-Daiza. Leur point commun ? Il font tous leur ‘compagnonnage’. Autant dire qu’ils viennent d’une autre planète car ces jeunes sont passionnés par leur métier manuel, travaillent le jour et suivent des cours le soir et le week-end et acceptent de changer tous les 6 mois d’entreprise, de patron, de maître pour se perfectionner dans leur art lors de leur Tour de France.

Alors quand Martoche (Martin Rommelaere), compagnon forgeron et enfant du BRC, annonce à notre équipe 3 son souhait de faire entraînement commun avec ces apprentis pour les préparer au tournoi annuel des « maisons de compagnons » à Paris on s’est dit que cette histoire un peu surréaliste nous correspondait finalement assez bien.

Et voilà notre équipe 3 et tous ses vétérans, jouant la tête en Régionale 3, qui accueille une vingtaine de jeunes dont beaucoup n’avaient jamais touché un ballon de rugby. Mais leur motivation, leur soif d’apprendre, leur respect des consignes et leur engagement physique balayait leur manque d’expérience. Et de semaines en semaines, leur progression a tout simplement été énorme sous la houlette du charismatique Martoche, leur père spirituel et bien-sûr de Yannick et Denis Duchau, les coachs qui voyaient là un vrai défi à relever et qui ont réussi à bâtir une équipe à partir d’individualités pour le moins disparates. Et les vétérans du BRC de leur prodiguer encouragements et conseils. Le compagnonnage désigne un ‘système traditionnel de transmission de connaissances et de formation à un métier’. C’est finalement un peu ce que nous avons fait.

Vint enfin le grand jour du tournoi à Paris ce samedi. L’inconnu pour tout le groupe, première compétition pour la plupart. Chaque joueur de l’équipe 3 y va de son petit mot d’encouragement : ‘restez concentré, ne pas partir seul, ne rien lâcher, le combat au-delà de ses limites, plaquer et encore plaquer, solidaire jusqu’au bout car seule la victoire est belle’. Et après trois matchs, deux victoires, dont une contre Toulouse, excusez du peu, et une courte défaite contre Angers, les voilà en demi-finale contre le tenant du titre Paris qui jouait à domicile. Match gagné devant un Paris médusé. En finale ils retrouvent Angers mais cette fois les Boitsfortois mettent les barbelés et l’emportent 7 à 0 dans une explosion de joie libératrice. Ils l’ont fait. Cette victoire ce n’est certes pas encore le ‘chef d’oeuvre’ qui couronnera leur tour de France mais c’est déjà une belle pièce, création collective qui leur appartiendra à jamais.

La route n’était pas si longue, quelques mois à peine, mais ils sont allés jusqu’au bout, pas forcément en chantant car ce ne sont pas les compagnons de la chanson, mais des compagnons de route avec lesquels nous avons fait un bout de chemin ensemble, partagé le pain (compagnon, du latin companionem, « celui qui partage le pain avec un autre ») et surtout vécu une belle aventure. Et en retour ils nous auront rappelés quelques valeurs universelles et humanistes. Leçon de sport, leçon de vie.

Et comme ils ont remporté le trophée, c’est Boitsfort qui organisera le tournoi des Maisons de Compagnons en 2021. Une bien belle blague belge qui n’a pas trop fait rire les organisateurs parisiens…


(Photos Boitsfort Rugby Club)